dimanche 20 février 2011

Sans but ni public

« Démocratisation sans précédent de la parole : chacun est incité à téléphoner au standard, chacun veut dire quelque chose à propos de son expérience intime, chacun peut devenir un speaker et être entendu. Mais il en va ici comme pour les graffiti sur les murs de l’école ou dans les innombrables groupes artistiques : plus ça s’exprime, plus il n’y a rien à dire, plus la subjectivité est sollicitée, plus l’effet est anonyme et vide. Paradoxe renforcé encore du fait que personne au fond n’est intéressé par cette profusion d’expression, à une exception non négligeable il est vrai : l’émetteur ou le créateur lui-même. C’est cela précisément le narcissisme, l’expression à tout-va, la primauté de l’acte de communication sur la nature du communiqué, l’indifférence aux contenus, la résorption ludique du sens, la communication sans but ni public, le destinateur devenu son principal destinataires. »

Lipovetsky, Gilles. L’ère du vide : essais sur l’individualisme contemporain. Gallimard, collection Folio essais, 1983. p. 23

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