mercredi 16 février 2011

Lointains invisibles

« Avec quelle vivacité je me souvins des heures où il m’arrivait de rester immobile, de suivre l’onde du regard, de la poursuivre avec de merveilleux pressentiments, de me représenter dans mon esprit aventureux les régions vers lesquelles elle s’écoulait et, mon imagination se heurtant bientôt à ses limites, je m’obligeais toujours à continuer toujours plus loin jusqu’à me perdre tout entier dans la contemplation de lointains invisibles. Oui, mon cher ami, tout aussi limités et tout aussi heureux étaient les patriarches! tout aussi naïfs leurs sentiments et leur poésie! Lorsque Ulysse parle de la mer sans limites et de la terre sans fin, cela est si vrai, si humain, si profond, si condensé, si mystérieux! À quoi me sert de pouvoir aujourd’hui répéter avec chaque écolier que cette terre est ronde? Il n’en faut à l’homme que quelques mottes, pour savourer sur elle le bonheur, moins encore pour trouver sous elle le repos. »

Goethe. Les Souffrances du jeune Werther. Garnier-Flammarion, Paris. p.112

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