dimanche 20 février 2011

Le Langage diaphane

« Le langage se fait l’écho de la séduction. Finis les sourds, les aveugles, les culs-de-jatte, c’est l’âge des mal-entendants, des non-voyants, des handicapés; les vieux sont devenus des personnes du troisième ou du quatrième âge, les bonnes des employées de maison, les prolétaires des partenaires sociaux, les filles-mères des mères célibataires. Les cancres sont des enfants à problèmes ou des cas sociaux, l’avortement est une interruption volontaire de grossesse. Même les analysés sont des analysants. Le procès de personnalisation aseptise le vocabulaire comme le cœur des villes, les centres commerciaux et la mort. Tout ce qui présente une connotation d’infériorité, de difformité, de passivité, d’agressivité doit disparaître au profit d’un langage diaphane, neutre et objectif, tel est le dernier stade des sociétés individualistes. »

Lipovetsky, Gilles. L’ère du vide : essais sur l’individualisme contemporain. Gallimard, collection Folio essais, 1983. p. 32

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