mercredi 30 mai 2012

Le catoplébas


« Pline (VIII, 32) raconte qu’aux confins de l’Éthiopie, non loin des sources du Nil, habite la catoplébas, « bête de taille moyenne et de démarche paresseuse. La tête est remarquablement lourde et l’animal peine beaucoup pour la porter; elle penche toujours vers la terre. N’était de cette circonstance, le catoplébas en finirait avec le genre humain, car tout homme qui voit ses yeux, tombe mort. »

      Catoplébas, en grec, veut dire « qui regarde vers le bas ». Cuvier a suggéré que le gnou (contaminé par le basilic et par les gorgones) inspira aux anciens le catoplébas. [...] »


Borges, Jorge Luis. et Margarita Guerrero. Manuel de zoologie fantastique.1957. Union générale d’éditions, Paris. p. 56

Précision


«  En tout, la précision, le reste n’est que pathos. »

Toussaint, Jean-Philippe. Fuir. Éditions de Minuit, Paris, 2005. p.98

Exister

« C’était dérisoire, et même un peu cruel, de découvrir ce parfum maintenant, mais je ne pus m’empêcher d’être ému à la pensée que, la veille, à Shanghai, avant de me retrouver, Li Qi était entrée dans un magasin avec l’idée de me faire un cadeau (et je ressentis alors ce plaisir si particulier de savoir qu’on existe dans l’esprit de quelqu’un, qu’on s’y meut et y mène une existence insoupçonnée). »

Toussaint, Jean-Philippe. Fuir. Éditions de Minuit, Paris, 2005. p.76

Décalage

« Depuis cette nuit, depuis le coup de téléphone de Marie dans le train, je percevais le monde comme si j’étais en décalage permanent, avec une légère distorsion dans l’ordre du réel, un écart, une entorse, une minuscule inadéquation fondamentale entre le monde pourtant familier qu’on a sous les yeux et la façon lointaine, vaporeuse et distanciée, dont on le perçoit. »

Toussaint, Jean-Philippe. Fuir. Éditions de Minuit, Paris, 2005. p.64

Constatations

« Elle disait tout cela d’une voix égale et douce, légèrement ensommeillée, et je songeais que je ressentais la même chose qu’elle, finalement, que moi aussi j’étais mieux seul en ce moment, plus calme et plus apaisé, je ne pouvais que m’incliner devant la lucidité de son jugement, même si j’aurais préféré faire les mêmes constatations moi-même, car on allège toujours la cruauté d’un constat par la satisfaction d’en établir soi-même la pertinence. »

Toussaint, Jean-Philippe. Faire l’amour. Éditions de Minuit, Paris, 2002. p.133

Rompre


« Allongé sur le dos, je regardais le plafond, immobile, les pieds croisés sur le lit, les mains dans les poches de mon manteau. Qu’avais-je à faire ces jours-ci à Tokyo? Rien. Rompre. Mais rompre, je commençais à m’en rendre compte, c’était plutôt un état qu’une action, un deuil qu’une agonie. »

Toussaint, Jean-Philippe. Faire l’amour. Éditions de Minuit, Paris, 2002. p. 106

Même si


« Nous ne disions rien – nous ne nous parlions plus. De temps à autre, furtivement, je la regardais. Peu importe qui était dans son tort, personne sans doute. Nous nous aimions, mais nous ne nous supportions plus. Il y avait ceci, maintenant, dans notre amour, que, même si nous continuions à nous faire dans l’ensemble plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable. »

Toussaint, Jean-Philippe. Faire l’amour. Éditions de Minuit, Paris, 2002. p.69