« Elle ne savait pas qu’elle était en train de vivre l’expérience concrète de la liberté ; en tout cas c’était parfaitement atroce, et elle ne devait jamais plus tout à fait être la même, après ces dix minutes. Bien des années plus tard, Michel devait proposer une brève théorie de la liberté humaine sur la base d’une analogie avec le comportement de l’hélium superfluide. Phénomènes atomiques discrets, les échanges d’électrons entre les neurones et les synapses à l’intérieur du cerveau sont en principe soumis à l’imprévisibilité quantique ; le grand nombre de neurones fait cependant, par annulation statistique des différences élémentaires, que le comportement humain est – dans ses grandes lignes comme dans ses détails – aussi rigoureusement déterminé que ce lui de tout autre système naturel. Pourtant, dans certaines circonstances, extrêmement rares – les chrétiens parlaient d’opération de la grâce – une onde de cohérence nouvelle surgit et se propage à l’intérieur du cerveau ; un comportement nouveau apparaît, de manière temporaire ou définitive, régi par un système entièrement différent d’oscillateurs harmoniques ; on observe alors ce qu’il est convenu d’appeler un acte libre. »
Houellebecq, Michel. Les Particules élémentaires. Flammarion, Éditions J’ai lu. 1998. p.92
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire