« À partir d’un sous-ensemble de mesures on peut définir une histoire, logiquement consistante, dont on ne peut pas cependant dire qu’elle soit vraie; elle peut simplement être soutenue sans contradiction. Parmi les histoires du monde possibles dans un cadre expérimental donné, certaines peuvent être réécrites sous la forme normalisée de Griffiths ; elles sont alors appelées histoires consistantes de Griffiths, et tout se passe comme si le monde était composé d’objets séparés, dotés de propriétés intrinsèques et stables. Cependant, le nombre d’histoires consistantes de Griffiths pouvant être réécrites à partir d’une série de mesures est en général sensiblement supérieur à un. Tu as une conscience de ton moi ; cette conscience de permet de poser une hypothèse : l’histoire que tu es à même de reconstituer à partir de tes propres souvenirs est une histoire consistante, justifiable dans le principe d’une narration univoque. En tant qu’individu isolé, persévérant dans l’existence un certain laps de temps, soumis à une ontologie d’objets et de propriétés, tu n’as aucun doute sur ce point : on doit nécessairement pouvoir t’associer une histoire consistante de Griffiths. Cette hypothèse a priori, tu la fais pour le domaine de la vie réelle ; tu ne la fais pas pour le domaine du rêve
– J’aimerais penser que le moi est une illusion ; il n’empêche que c’est une illusion douloureuse... dit doucement Bruno ; mais Michel ne sut que répondre, il ne connaissait rien au bouddhisme. »
Houellebecq, Michel. Les Particules élémentaires. Flammarion, Éditions J’ai lu. 1998. p.66
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