« S’ils se situaient en principe dans une perspective politique de contestation du capitalisme, ces périodiques s’accordaient avec l’industrie du divertissement sur l’essentiel : destruction des valeurs morales judéo-chrétiennes, apologie de la jeunesse et de la liberté individuelle. Tiraillés entre des pressions contradictoires, les magazines pour jeunes filles mirent au point dans l’urgence un accomodement, que l’on peut résumer dans la narration de vie suivante. Dans un premier temps (disons, entre douze et dix-huit ans), la jeune fille sort avec de nombreux garçons (l’ambiguité sémantique du terme sortir étant d’ailleurs le reflet d’une ambiguité comportementale réelle : que voulait dire, exactement, sortir avec un garçon ? S’agissait-il de s’embrasser sur la bouche, des joies plus profondes du petting et du deep-petting, des relations sexuelles proprement dites ? Fallait-il permettre au garçon de vous toucher les seins ? Devait-on enlever sa culotte ? Et que faire de ses organes, à lui ?) Pour Patricia Hohweiller, pour Caroline Yessayan, c’était loin d’être simple ; leurs magazines favoris donnaient des réponses floues, contradictoires. Dans un deuxième temps (en fait, peu après le bac), la même jeune fille éprouvait le besoin d’une histoire sérieuse (plus tard caractérisée par les magazines allemands sous les termes de « big love »), la question pertinente était alors : « Dois-je m’installer avec Jérémie ? » ; c’était un deuxième temps, dans le principe définitif. »
Houellebecq, Michel. Les Particules élémentaires. Flammarion, Éditions J’ai lu. 1998. p.55
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