Chose étrange : lorsque j’arrivai ici et que du haut de la colline je plongeai mes regards dans cette belle vallée, tout ce qui m’environnait m’attirait. – Là-bas, ce petit bois ! – Ah! que ne peux-tu mêler ton ombre aux siennes ! – Là-bas la cime de cette montagne ! – Ah ! que ne peux-tu, de là, embrasser cette vaste contrée ! – Et ces collines enchaînées l’une à l’autre, et ces vallons intimes ! – Oh ! que ne puis-je me perdre en eux ! – J’y courais et je m’en revenais sans avoir trouvé ce que j’espérais. Il en est, hélas! des lointains comme de l’avenir ! Un monde immense et nébuleux s’étend devant notre âme, notre sensibilité s’y plonge et s’y perd comme notre regard et nous aspirons à donner tout notre être pour que la volupté d’un unique, d’un grand, d’un magnifique sentiment nous emplisse entièrement. Et, hélas! lorsque nous y courons, lorsque là-bas est devenu ici, tout est après comme avant, nous restons là dans notre pauvreté, dans nos étroites limites et notre âme assoiffée se tend vers le breuvage rafraîchissant qui lui a échappé. »
Goethe. Les Souffrances du jeune Werther. Garnier-Flammarion, Paris. p.68
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