« Si le sceptique admet à la
rigueur que la vérité existe, il laissera aux innocents l’illusion de croire la
posséder un jour. Quant à moi, déclare-t-il, je m’en tiens aux apparences, je
les constate et n’y adhère dans la mesure où, en tant qu’être vivant, je ne
puis faire autrement. J’agis comme les autres, j’exécute les mêmes actes qu’eux
mais je ne me confonds ni avec mes paroles ni avec mes gestes, je m’incline
devant les coutumes et les lois, je fais semblant de partager les convictions,
c’est-à-dire les marottes, de mes concitoyens, tout en sachant qu’en dernière
analyse je suis aussi peu réel qu’eux.
Qu’est-ce donc que le sceptique ?
– Un fantôme ... conformiste. »
Cioran, E.M. Ébauches
de vertige. Éditions Gallimard, Collection Folio, 1979, p. 81